Quelques questions pour ceux qui s’intéressent au développement de l’humain, et quelques pistes offertes …

Que faut-il pour qu’un humain devienne la meilleure version de lui-même ? (là, déjà, il y a du boulot ….)

Que faut-il pour que des relations fonctionnent ? (pour ceux qui n’ont pas perdu leurs illusions en même temps que leur virginité)

Quels sont les ingrédients du bonheur en tant qu’individu, en couple, en groupe ? (si vous avez la recette, vous pouvez me la joindre par retour de mail, merci d’avance)

Sur toutes ces questions, deux séries anglosaxonnes- 13 Reasons Why et Sex Education – que j’ai visionnées récemment – m’interpellent grandement . Ces deux fresques sur les ados apportent bien des lumières sur ce qui se joue aussi plus tard entre nous, les adultes. Les années Lycée Fac seraient-elles des mini-laboratoires présageant de la suite, des incubateurs pour un peu de bon et beaucoup de chaos ?

Sex Education va aborder des thèmes très riches, avec un fil conducteur hyper hilarant : le fils autiste d’une sexothérapeute déjantée ouvre ses propres consultations de sexologie dans les toilettes désaffectées du lycée. La série est un florilège de personnages hauts en couleurs qui devraient donner lieu à la création de figurines à collectionner. De la sexothérapeute aux relations décalées au directeur d’établissement psychorigide et tortionnaire en passant par toutes les nuances de profs délirants et d’élèves bigarrés, quelle panoplie ! Le tout pimenté par une comédie musicale inénarrable sur fond de vagin géant, un Roméo et Juliette des temps étranges 😊 Un must à regarder pour se détendre, exercer ses zygomatiques … et activer nos neurones, ceux du cerveau – parce qu’il y a des messages à réfléchir – ceux des intestins – parce que certains passages prennent aux tripes – et ceux du cœur – car ces neurones devraient être un phare nous guidant dans notre vie.

Les deux sagas explorent la construction des individus, notamment la construction de l’identité sexuelle au cours de ces années charnières et charnelles. L’homosexualité, la bisexualité, la transsexualité sont explorées avec beaucoup d’intelligence, et visiblement la difficulté du coming out reste de mise en 2022. On commence à voir aussi apparaître des parents homosexuels observés dans leur parentalité.

Ces deux épopées montrent de façon percutante l’importance dans l’adolescence de développer un sentiment d’appartenance. C’est l’âge où l’on se défait peu à peu du lien à la tribu familiale, et où il est essentiel de se trouver d’autres tribus via la scolarité ou les activités de loisirs. Pas facile pour ces êtres en construction de trouver où placer le curseur entre l’affirmation de leur individualité et la nécessité de se sentir rassurés par l’appartenance à un groupe aux valeurs et habitus homogènes régis par un code parfois implicite. Et l’on prend en pleine tête ce qui nous a conduits, nous adultes, à ressentir si souvent un sentiment d’inadéquation ou de rejet …. Il y a les rejets perçus aux tristes conséquences et les mises à l’écart objectives et cruelles. Sex Education aborde 90% du temps les sujets avec légèreté, sauf quand il s’agit de la mise à l’écart d’une fille à cause d’une réputation de trainée largement usurpée. Et le même scénario, mais puissance 1000 est décrit par 13 Reasons Why (13RW). Il pèse sur les ados, comme sur les adultes plus tard, une injonction comportementale opposée. Comme le dit Zach dans 13RW, on reproche aux filles d’être trop débridées sexuellement tandis que l’on moque les garçons qui ne le sont pas assez !!! Et cela se retrouve plus tard quand un homme brandit avec fierté un « tu n’es pas seule sur ma liste », alors qu’une femme qui porterait un tel étendard arborerait généralement également une crécelle de pestiférée (même si on voit malheureusement via les applis de rencontres, et le click and collect généralisé, les femmes en train d’être contaminées par ce virus issu de la fange relationnelle).

De manière transversale aux 13 raisons qui ont poussé la jeune Hannah à sa décision fatale, j’en identifie une commune : Hannah est morte d’avoir laissé à chacun une seconde chance, d’avoir toujours voulu voir le beau en chacun, et d’avoir toujours été déçue voire rejetée pour cette qualité.

Ça me fait immédiatement venir à l’esprit une conférence d’un certain Gottmann sur le succès des relations : le positive sentiment override. Une relation qui réussit est une relation où chaque acteur de la relation développe une capacité à faire abstraction du défaut de l’autre pour se focaliser sur ses qualités. Stratégie que j’affectionne et préconise …. Sauf que ….. Que se passe-t-il si dans la relation un seul des deux fait ce travail ? Et c’est le drame de certaines relations toxiques où l’un des deux cherche à faire fonctionner l’infonctionnable et projette sa beauté d’âme et ses espoirs sur l’autre, voyant un prince où il n’y a que comportement de crapaud ! C’est une façon de faire vivre une relation fantasmée, de s’induire soi-même en erreur sur la qualité de la relation. C’est une forme d’autogaslighting, un déni entretenu, choyé, bichonné. S’il ne faut pas virer au negative sentiment override – rester focalisé sur tout ce qui ne va pas dans la relation et chez notre partenaire – il convient de faire ENSEMBLE le positive sentiment override, ou accepter la relation pour ce qu’elle est peut-être : un truc pas terrible dont il conviendra de sortir rapidement. Le problème c’est qu’au mieux on éduque les femmes à prendre soin de leurs proches, au pire on les transforme en faire valoir… et en potentielles cultivatrices de positive sentiment override unilatéral. Jamais autant qu’en regardant ces deux séries je ne me suis interrogée sur le terme même de « cheerleader » (pom-pom girls), des filles acrobatiques et sexy dont la fonction est d’encourager les porteurs de testostérone et de biceps puis de les récompenser au mieux…. Mince, un avenir fait de relations équilibrées avec positive sentiment override bilatéral et réciproque est encore loin d’être garanti.

Il y a une autre chose qui a tué la jeune Hannah : ce qu’elle a toléré. Même dans un épisode plutôt chouette de sa vie, elle a accepté l’inacceptable pour elle : être maintenue dans l’ombre pour préserver l’amitié que son petit ami entretenait avec les leaders toxiques du lycée. Le niveau de tolérance, un sujet que j’explore en ce moment même… Lors d’un récent coaching que j’ai suivi, j’ai eu l’occasion de me confronter à une vérité à laquelle je n’avais jamais pensé en ces termes : dans la vie, on n’obtient pas ce qu’on veut mais ce qu’on tolère …. Dans ce même coaching, j’ai eu l’occasion de brûler une feuille de papier sur laquelle j’avais listé mes anciennes croyances limitantes. L’une d’entre elles était « je veux juste… », comme si je ne devais aspirer qu’au stricte minimum acceptable, comme si je ne pouvais prétendre qu’à des miettes de bonheur, de réussite et d’amour. Après cet exercice, des choses ont évolué en moi. J’ai dû sortir de ma zone de confort … et ça n’a pas été confortable. Un élément déclencheur m’a offert un champ d’expérimentation de mon nouveau mode de fonctionnement, libérée de cette auto-limitation, inspirée également par un mot intelligent et inspirant qui circulait sur Facebook – il y en a parfois ….

Alors j’ai pris mon courage à 2 mains, et j’ai exprimé ce que je veux être ma nouvelle réalité, et vous pouvez tous vous le tenir pour dit : « J’ai pris une décision pour 2022, suite à un coaching très intéressant : je vais laisser calmement sortir de ma vie les gens qui ne considèrent pas leur relation avec moi comme précieuse et importante». Je vais donc ajuster substantiellement mon seuil de tolérance pour que seulement ceux qui m’aiment me suivent à partir de maintenant 😎  Sentez-vous libre de m’envoyer une demande de désinscription à mes écrits, et plus largement à mon répertoire d’amis.

Oui, ça me coûte car je suis sur le point de perdre/renoncer à quelque chose qui comptait beaucoup pour moi (et j’ai sûrement fait pas mal d’autogaslighting, je le confesse). En faisant cela, j’ai appliqué un principe que l’on trouve dans certains coachings relationnels : être prêt à tout perdre pour tout gagner, être prêt à perdre celui qui ne peut pas monter ses standards caractéristiques d’une relation low cost pour arriver à mes standards d’intimité, de bienveillance, de connexion, de soutien …. Au bout de cela, soit la personne remonte son niveau d’implication ou quitte mon chemin de vie, et en tout cas je cesse de me renier, de prendre sur moi chaque jour un peu trop en tolérant ce qui ne me convient pas….

Ah, Hannah, si seulement tu pouvais faire rewind sur le film de ta vie, et au lieu d’accepter, bon gré mais surtout mal gré, clamer « c’est à prendre ou à laisser, tu assumes ou tu quittes mon expérience de vie ». Ce n’est pas un chantage, c’est une liberté pour chacun des protagonistes : tu as le droit de choisir, je t’autorise à choisir. Soit tu choisis de rejoindre le haut niveau qualitatif de la relation qui représente mon nouveau minimum toléré ou carrément le niveau que je veux – soit sens-toi libre de choisir autrement et de prendre une autre direction que la mienne. C’est aussi une invitation au développement, c’est offrir à cet autre la perspective d’une croissance intérieure, d’un enrichissement avec l’apprentissage d’une palette émotionnelle plus variée, plus riche, plus profonde, plus généreuse, plus mature. Exit le LIDL des relations, place à Lenôtre. En ces temps de COVID, profitons du reset de nos organes sensoriels pour approfondir nos facultés relationnelles. Eliminons la junk-connexion limitée à l’excitation du moment, peu raffinée et à l’arrière-goût amer, et réintroduisons avec soin et détermination -comme on le fait avec les autres espèces en risque d’extinction -le haut de gamme qu’est la connexion profonde, suave et épicée, délicate et intense, qui tapisse le palais et le cœur d’une puissante douceur.

Certains argumenteront qu’ainsi on s’en remet à la décision, au choix, de l’autre… justement, c’est bien le but ! Une relation, quelle qu’elle soit, est un engagement, un commitment comme disent les anglo-saxons, où chacun est là pour l’autre dans un équilibre sans équivoque, sans tenir un compte d’apothicaire des bonnes actions mais avec un accord tacite de contribution, de coopération, d’équipe. Et sur le côté du chemin qui m’incombe dans la relation, je fais ma part de jardinage pour faire fructifier, de mon mieux. Et l’image de la girafe et du chacal m’aide encore un peu ici aussi :

Chère Hannah, tu as bien utilisé des outils pour tenter de te recréer de l’espace, mais tu l’as fait dans un dernier sursaut. Par ton testament audio – ces 13 cassettes qui exposent les raisons de ton geste – tu as éveillé des consciences. Ton sacrifice aura permis à ceux qui en avaient la capacité d’ouvrir les yeux, de regretter et de devenir un meilleur humain pour demain. Quant aux autres, aux indécrottables veules de la bienveillance, ils ont diaboliquement persévéré. La rédemption n’est pas un chemin ouvert à tous, il va de pair avec le chemin de la responsabilité et celui de la résilience dans une trilogie d’épanouissement personnel et relationnel.

Le thème du viol et de ses conséquences traumatiques est particulièrement bien dépeint dans les deux épiques séries. Et plus largement, je voudrais m’attarder sur le thème du consentement (1). Cet été, ma fille et moi avons vu nos corps être le terrain de jeux de gestes déplacés non consentis…. La société est empêtrée dans un ancien adage parfaitement scandaleux : « qui ne dit mot consent ». Diable ! Et quand je regarde en arrière certaines relations passées, je comprends mieux le développement frénétique des dénonciations et autres me-too ainsi que les regards étonnés des auteurs. Parfois un rapport se noue sur un subterfuge d’accord, sur un malentendu parfois réel mais aussi parfois construit. Quelques fausses promesses d’un Don Juan de pacotille pour obtenir le Graal et ce qui paraissait être un acte consenti se transforme le lendemain en arnaque mal vécue. Parfois, la relation s’installe un peu, se passe plus courtoisement mais finit sur une tromperie ou un ghosting. Et c’est toute la relation qui se trouve revue sous un angle bien plus amer. Un recadrage négatif inconscient se met en place, une sorte de negative sentiment override à postériori. Et nos pauvres cheerleaders bien éduquées à devenir des « sois gentille, serviable et fais plaisir » deviennent des candidates aux réveils douloureux et à la sensation différée d’abus. Et finalement en évitant les fausses promesses et en assurant un SAV post coïtal et post relationnel correct, est-ce qu’on n’éviterait pas toute cette rancœur, toute cette souffrance, toute cette boue, tous ces procès …. Bref, si Meetic pouvait s’allier avec DARTY pour offrir un service après-vente garanti, les sinistres ministres et les cons plus anonymes auraient à leur passif un peu moins de partenaires désabusées.

(1) Netflix, à l’origine de ces séries et de bien d’autres qui abordent des sujets sérieux, a créé une page pour s’informer et trouver de l’aide. C’est vraiment une démarche louable, responsable.

Pour finir sur une note d’optimisme :

Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns.

Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier.

Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences.

Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants.

Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir.

Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque.

Je vous souhaite enfin, de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille.

Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable.

Jacques BREL