Le livre de Don Miguel Ruiz s’est présenté à moi sous la forme de quatre petites vignettes visuelles, récurrentes sur Facebook, faisant l’effet de teasers efficaces : chaque vignette mettait en scène l’un des 4 accords toltèques, du livre éponyme.
Moi qui suis dans ma phase de rébellion contre les restes d’une société patriarcale (les contes de fées qui conditionnent le bonheur des filles à la rencontre avec un inconnu, le mariage qui prône la fusion des individus, la répartition inégale des corvées dans le couple et les différences de salaires, ….), et en même temps (merci Emmanuel pour l’expression 😊) dans un processus de développement personnel, lesdites vignettes, le sous-titre de l’ouvrage et l’introduction semblent coller à ma démarche : la voie de la liberté personnelle, quelques principes de posture mentale et relationnelle …. et une critique de la domestication des hommes par la société… Cela s’annonce fructueux !
En tant que maman et enseignante, l’introduction me questionne car je participe activement à une forme de formatage, de conformation à certaines attentes sociétales. Mais j’ose croire que je favorise aussi le libre-arbitre. C’est ce qui va me conduire à aborder ce livre avec mes élèves l’an prochain, et j’espère bien pouvoir inviter l’ensemble de l’école à ce projet, tout comme celui mené cette année sur une meilleure compréhension des personnes autistes. Je vois déjà quel enfant de l’école pourra bénéficier d’une telle approche… J’envisage donc de reprendre mon petit bâton de pèlerin, ou plutôt mon stylo de Tableau Blanc Interactif 😊
En introduction Ruiz démonte le système de conditionnement, qui inculque en chacun des êtres ainsi domestiqués des croyances fausses, limitantes, qui conduisent à des conflits et à de la souffrance plutôt qu’à l’harmonie et au bonheur, à l’enfer plutôt qu’au Paradis sur terre. Ce sujet parle beaucoup à l’hypnotiseuse que je suis, car une partie de mon boulot consiste justement à déprogrammer ces croyances. Bref, si Ruiz fait fortune avec son livre, je risque d’être bientôt sur la paille. Qu’à cela ne tienne, je préfère être sur la paille dans une communauté humaine heureuse, que riche à essayer de déconditionner des malheureux.
Un paragraphe de cette introduction attire tout particulièrement mon attention, car il réveille en moi des picotements liés à une blessure encore trop fraîchement cicatrisée, la blessure de rejet. Ruiz l’attribue au besoin de perfection véhiculé par cette société : à force d’essayer d’être toujours comme il faut, on crée une image de ce que l’on devrait être pour être accepté par les autres, et ce faisant, on se rejette soi-même, tout en s’auto-châtiant de ne pas parvenir à être réellement parfait car le Juge intérieur est implacable !
Ruiz nomme toutes ces règles et ces croyances qui nous gouvernent des accords. Selon lui, les accords dérivés de la peur nous consument, alors que les accords dérivés de l’amour nous élèvent. Ruiz nous invite donc à mettre en œuvre quatre nouveaux accords, issus de la pensée toltèque, des accords empreints d’amour et ainsi susceptibles de modifier positivement le cours de notre vie.
Le premier accord Toltèque : Que votre parole soit impeccable
Cela fait penser immédiatement à Coelho, et son manuscrit retrouvé : « La plus destructrice de toutes les armes n’est pas la lance ou le canon – qui peuvent blesser le corps et détruire la muraille. La plus terrible est la parole – qui ruine une vie sans laisser de traces de sang, et dont les blessures ne cicatrisent jamais. Soyons donc maître de notre langue, pour ne pas être esclave de nos paroles. Même si elles sont utilisées contre nous, n’entrons pas dans un combat qui n’aura jamais de vainqueur. »
Ruiz utilise tout d’abord la métaphore de la magie, et compare les mots à des sorts que l’on jette et qui vont impacter l’autre au plus profond de son être et de ses croyances ; il cite le cas d’une petite fille à qui on répète qu’elle est moche, et qui grandit donc avec cette croyance, cette conviction. La petite fille construit alors un accord – néfaste – avec ces mots.
Si les médisances, opinions négatives et paroles blessantes constituent tout l’attirail de la magie noire, un véritable poison, accepter ces mots, et adopter les croyances limitantes associées, c’est contribuer à la magie noire. Et Coelho résonne encore à mes oreilles « Et attention à la douleur que tu peux (te) causer toi-même, si tu laisses un cœur lâche et indigne faire partie de ton monde. Après que le mal est accompli, rien ne sert d’accuser quiconque : la porte a été ouverte par le maître de maison ». Combien de personnes je vois en hypnose exposer le même schéma : ayant appris à recevoir des paroles médisantes pendant l’enfance, et n’ayant alors aucun moyen de fuir, des adultes continuent de répéter inlassablement ce schéma de la maltraitance psychologique… Alors, en déprogrammant leurs croyances initiales (qui aime bien châtie bien, …), il leur est peu à peu possible d’apprendre à ne plus laisser pénétrer de telles paroles dans leurs cœurs.
Petit conseil pratique : vous servir de votre parole pour rompre tous vos petits accords intérieurs qui vous font souffrir, c’est possible !
Pour contrecarrer la spirale infernale de jets de sorts réciproques, Ruiz prône celle beaucoup plus vertueuse de mots issus de l’amour. Don Miguel introduit alors la nécessité de rompre le sort, par des mots qui guérissent. Et si des gens qui nous aiment nous blessent inconsciemment, il faut leur pardonner (et les éduquer aussi, en leur faisant prendre conscience…). La vengeance ne fait que verser plus de poison. Ruiz déplore d’ailleurs la société actuelle où l’on se sent soulagé par le malheur des autres, bien souvent causé et alimenté par de la médisance. Il appelle cela l’enfer, et engage à aller vers le paradis de la parole impeccable. Être impeccable dans ses mots commence aussi par l’être vis-à-vis de soi-même ! Se juger, se rejeter est un acte de péché, justement pas du tout im-pecatus ! J’ai récemment été confrontée à un cas pratique, et le livre m’a aidée à comprendre ce qui se jouait et à tenter d’infléchir un accord infernal : je suivais un petit élève atteint de cancer qui, quand il échouait à un exercice, disait qu’il était nul et sombrait dans un sentiment d’impuissance plein de désarroi. Il baissait les bras. Je sentais son désespoir. Sa maladie avait fait bien des dégâts émotionnels : il se sentait défectueux, et avait besoin de se sentir infaillible. Nous avons donc travaillé sur l’acceptation de l’erreur, en limitant avec des mots le champ d’application de cette imperfection temporaire et remédiable qu’est une simple erreur de calcul ! Son n’erreur n’était plus vue comme un échec – impensable vu son autre combat ô combien plus important – mais comme une opportunité de développement supplémentaire, d’apprentissage.
Ruiz affirme que pratiquer une parole impeccable immunise contre les sorts négatifs, car on ne peut recevoir une idée négative que si on y est ouvert.
Ruiz introduit ensuite une deuxième métaphore, que j’utilise très souvent en hypnose concernant les croyances : l’informatique ! Le poison des mots méchants devient un virus qui s’insère dans votre disque dur émotionnel ! C’est là que Mumu l’ensorceleuse intervient pour aider à déprogrammer et reprogrammer …. 😊
Ruiz finit par une troisième métaphore, bucolique : rendre votre esprit stérile aux paroles négatives issues de la peur, et fertile aux paroles d’amour. Jardinons ensemble, soyons les Tistou du XXIème siècle.
Au quotidien, j’essaie généralement de peser mes mots, malgré les tentations multiples de céder aux commérages et médisances, et petites phrases assassines. L’éducation nationale est un bon terrain d’entrainement : un huis-clos diabolique où se déchaînent parfois, malheureusement, des harpies à la langue bien pendue. Je me permets parfois de réagir, quand un qualificatif négatif affuble un enfant ou un parent. Personne plus qu’un enseignant ne peut causer de dégâts avec ses mots, et je suis toujours assez effrayée par ce pouvoir diabolique que mon statut me confère. Quand un mot potentiellement déplaisant ou humiliant m’échappe, j’ai trouvé une parade : j’explique que, poussée par la colère, je me suis transformée en Gruffalo, gentil monstre dont on a lu l’histoire. Cela permet aux élèves de tempérer mes propos par un peu d’humour et d’identifier l’émotion négative à la source de mes mots déplaisants.
Moi qui écris beaucoup, je dispose d’un autre champ d’application de l’impact des mots. Souvent, quand j’ai un message délicat à communiquer à quelqu’un, je prépare un brouillon puis je fais une méditation. Bien souvent, la version envoyée est très différente de la version d’origine. Je garde d’ailleurs parfois une trace des versions successives, et je les relis pour prendre du recul sur l’évolution de ma pensée au travers de ces étapes d’écriture/réflexion. Si la réponse de mon lecteur est apaisée, c’est que mon message, bien que délicat, a été reçu et accueilli avec sérénité. Si en retour je reçois un message un peu teinté de réaction émotionnelle, c’est que j’aurais dû faire une deuxième méditation et une troisième ébauche de texte 😊
Récemment, j’ai eu à prendre la paroles à maintes reprises en réunions publiques, pour éviter un projet de viaduc sous mes fenêtres. Je prenais en amont le temps de construire non seulement mes arguments, mais aussi la façon de les amener afin qu’ils soient le plus recevables et efficaces possible. Dès lors, toute agressivité s’est trouvée exclue de mes interventions, et j’ai été remerciée pour ma bienveillance. Une petite victoire personnelle 😊
Deuxième accord toltèque : quoi qu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle !
Moi qui ai toujours eu tendance à me placer un peu en « victime », là, j’ouvre tout grand mes yeux et mon cœur afin de pouvoir évoluer vers plus de confort intérieur et d’harmonie relationnelle 😊
Si je fais une affaire personnelle de ce qui m’est dit, c’est parce que j’y donne mon accord. Je laisse alors s’infiltrer en moi le poison de ces mots, qui en réalité n’appartiennent qu’à ceux qui les prononcent. Ruiz utilise une image assez choc : on peut avoir conclu et nourri un accord qui engendre une dépendance à la souffrance, à la maltraitance. Dans ce cas, c’est comme si on se baladait avec une pancarte dans le dos « Faites-moi mal, s’il vous plait », comme pour chercher une justification à notre souffrance. Et là, combien de situations et de visages du passé me reviennent à l’esprit….
Deux conséquences majeures de la tendance à prendre tout de façon personnelle me concernent particulièrement. Cela conduit à se sentir offensé, et la défense automatique de mes croyances et de mes valeurs entraîne immanquablement une dynamique de conflits. Là, ma psychorigidité et mon sens un peu trop aigu de la justice m’ont parfois joué de vilains tours…. Ensuite, Ruiz dit que cela fait de moi une proie facile pour les prédateurs, qui à leur insu, pratiquent la magie noire par leur parole. En effet, j’ai bien souvent bu la ciguë des moqueries et autres dévaluations … mais ça, c’était avant 😊. Quand on ne se rejette plus, qu’on s’accepte pleinement, on a moins besoin de la validation extérieure et on peut plus aisément laisser couler des propos avec lesquels on est en désaccord. Quelle libération ! Quand les plaies intérieures sont cicatrisées, les mots des autres ne blessent plus, ils ne sont plus que des mots. Quand la peur intérieure est dissoute, la colère et la rancœur s’effacent d’elles-mêmes. Le pardon peut être à la fois un outil et une conséquence de tout ce processus de libération. Aujourd’hui, si un ami me ment, je ne le prends plus comme un outrage ; je comprends que c’est juste parce qu’il a peur que je découvre son imperfection, qu’il a peur de retirer son masque social devant moi ; alors je le rassure sur ma capacité à l’aimer dans toute son imperfection. Comme dans le manuscrit retrouvé, libérée de ma souffrance et de ma satanée tendance à prendre tout personnellement, je peux aujourd’hui arrêter de reprocher à un ami de m’avoir blessée, et je peux lui dire « Tu m’as blessé(e) aujourd’hui pour des raisons que peut-être toi-même tu ignores, mais demain je sais que je pourrai compter sur ton aide et je ne vais pas être triste pour cela ».
Quelques phrases du livre résonnent encore d’événements de mon passé, et je peux mesurer le chemin parcouru : merci l’hypnose, merci le Ho’Oponopono, merci Lise Bourbeau, merci la méditation, … En effet, lorsque les gens disent une chose et en font une autre, c’est me mentir que de ne pas écouter leurs actes. En effet, si quelqu’un ne me traite pas avec amour et respect, je peux prendre comme un cadeau qu’il me quitte, je peux prendre comme une opportunité que la relation s’arrête. Pour moi qui ai vécu un décès brutal et précoce, et pour qui toute séparation et rupture était un déchirement de l’âme, aujourd’hui, je peux laisser les gens entrer et quitter mon expérience de vie plus paisiblement.
Je revois aussi deux expériences assez récentes à l’éducation nationale : un oral d’examen et un entretien. Je m’étais sentie malmenée. J’ai réussi, récemment, à revisualiser ces deux expériences en ne laissant plus les mots trouver le même chemin vers mes émotions, et j’ai enfin pu dépasser ces expériences pour n’en garder que du positif : voir comment elles m’ont permis d’évoluer.
Ruiz conclut sur ce deuxième accord, à coller sur mon frigo, que si je le respecte, je peux voyager le cœur totalement ouvert car personne ne peut plus me blesser. Je peux m’exprimer et dire je t’aime sans peur du rejet, je peux choisir sans culpabilité, sans agressivité, sans jugement. Bref, je peux être moi, librement !
Troisième accord toltèque : ne faites pas de suppositions
Pour avoir passé ces derniers 24 mois, avec des amies, à essayer de décrypter les comportements d’autres individus, je me dis que ce chapitre va être riche d’apprentissages 😊
Là, tout s’imbrique : si je fais des suppositions sur ce qu’autrui fait ou pense, je risque d’en faire une affaire personnelle, de nourrir de la rancœur et d’exprimer cette dernière par des mots pleins de poison émotionnel !!!! Et voilà l’engrenage des situations dont on fait tout un drame.
Petit kit de survie : plutôt que de faire des suppositions, poser des questions et faire clarifier la situation ! Si j’arrête de prêter des intentions à autrui, ma façon de communiquer va évoluer et mes relations ne souffriront plus de conflits engendrés par des hypothèses erronées.
Petite révélation pour une ancienne adepte du diabolique triangle de Karpman : il faut sortir à la fois de sa position de victime (voir 2ème accord), mais aussi de celle de bourreau (1er accord) et de celle de sauveur : si j’arrête de faire des suppositions sur autrui, j’arrête aussi de vouloir le changer et j’apprends à l’aimer tel qu’il est ! Si les autres se transforment, c’est parce qu’ils le veulent et non parce que j’en ai le pouvoir… Là, une clarification des frontières entre mes postures professionnelles et personnelles se dessine plus clairement 😊
Quatrième accord toltèque : faites toujours de votre mieux
Il ne s’agit pas là de l’illusion de la perfection à laquelle on est trop souvent conditionnés !
Faire de son mieux dans l’application des trois premiers accords ! C’est là qu’il convient de compléter / amender les documents joints à destination des enfants …..
Ruiz termine son ouvrage sur le concept de la liberté (qui sera le thème d’une de mes prochaines lectures….), sous-titre de son ouvrage. Depuis 2 ans, je tente d’avoir des conversations empreintes de vérité avec mes proches, pas une vérité où l’on balance des reproches au visage de l’autre, en laissant s’exprimer ses blessures et en ciblant celles des autres, mais des conversations où chacun peut exprimer son ressenti et ses besoins. Ce sont parfois des conversations difficiles, mais libératrices de chacun des protagonistes. Prendre conscience de nos blessures du passé est la première étape, car vous réalisez alors que bien des croyances qui vous gouvernent et vous meurtrissent au quotidien sont erronées et limitantes. Les Toltèques enseignent comment devenir les maîtres du rêve de notre vie, capables de changer de rêve quand le précédent ne nous convient plus, pour faire de notre vie un chef-d’œuvre. Être un Toltèque c’est devenir maître de l’attention intérieure (pour se connaître mieux), maître de la transformation de soi (en se reprogramment autrement) et maître de l’intention, à savoir de l’amour inconditionnel. Être toltèque c’est redevenir libre, libre des parasites que sont le Juge intérieur, la Victime et le système de croyances issu de nos peurs. Ne reléguons plus notre Moi dans un recoin, abandonnant notre esprit au Juge, à la Victime et aux croyances limitantes. Ruiz et les Toltèques suggèrent de se rebeller : je suis sur le bon chemin ! 😊 Celui de mon indépendance, celui de ma liberté, et sans aller à l’encontre de la liberté d’autrui ; bien au contraire, en tentant de propager cette onde de libération. Ruiz propose de s’attaquer aux mille têtes du monstre qu’est notre peur, ou plus efficacement encore, d’arrêter de nourrir le monstre ; il suggère d’aller à la rencontre de nos démons intérieurs dans le désert, tout comme je proposais il y a quelques mois d’aller embrasser notre part d’ombre, notre tableau de Dorian Gray dans le grenier. Chaque ancien accord brisé, dénoué, doit être remplacé par un nouveau, positif, tout comme la reprogrammation de croyances que l’on effectue couramment en hypnose. Ou encore, de procéder à l’initiation de la mort : vivre chaque jour comme si c’était le dernier, en exprimant sa gratitude d’avoir un jour de plus pour être pleinement soi-même. Un mage blanc utilise la parole pour donner, créer, aimer. A moi de choisir quel type d’ensorceleuse je veux être, à vous de choisir quel type d’enchanteur vous voulez devenir 😊