Après une longue période d’introspection, assortie de communications plus dialoguées, ma volonté de partager plus largement reprend le dessus. Je me retrouve assise devant mon écran, tout comme l’artiste devant sa toile vierge, sachant exactement ce que je veux exprimer, et comment. Généralement mes écrits me servent à transcender une difficulté psychologique et à partager ce chemin d’évolution dans ce que certains nomment :les chroniques de Mumu 😊. Aujourd’hui, le terme qui me vient à l’esprit est sublimation : cela a souvent été ma posture face à l’adversité pour la surmonter et la transmuter en évolution, en victoire. Freud décrit l’activité artistique et l’investigation intellectuelle comme activités de sublimation. Selon lui, la pulsion est dite sublimée dans la mesure où elle est dérivée vers un nouveau but non sexuel et où elle vise des objets socialement valorisés. Le terme semble donc approprié. Je ne sais pas si mes textes prennent leur essor dans une pulsion sexuelle, mais dans ma pulsion de vie, ma libido, assurément.
Cette longue période de retour sur moi, je l’ai passée à mûrir en parallèle mon projet professionnel en hypnose et en coaching, et à me transformer au niveau personnel, pour guérir de vieilles blessures, et pouvoir aborder la vie libérée de vieux schémas toxiques. Le temps passé dans ma chrysalide, à écouter des conférenciers de tous les continents, à expérimenter divers outils thérapeutiques et suivre un parcours de développement personnel a été tout sauf du temps perdu. Et aujourd’hui j’écris avec mes tripes, mon cœur, une plume, un clavier, et des ailes de papillon. Ce temps a également été celui d’échanges fondamentaux avec certaines personnes présentes dans ma vie et qui, par leur écoute active et leurs apports humains et intellectuels de grande qualité, m’ont aidée dans ce processus de renouveau (merci 😊). Ce chemin que je trace chaque jour de mes pas réfléchis vers une meilleure connexion à moi et aux autres, vers une vie plus authentique et plus libre, car moins contrainte par d’anciennes croyances erronées et fonctionnements défensifs.
Je vais revenir sur un événement traumatique de ma vie, un événement sur lequel j’ai dû travailler mille fois avant de pouvoir l’évoquer sans pleurer. Quand j’étais en début d’école primaire, j’avais un amoureux. Nous descendions tous les soirs les escaliers de l’école, main dans la main, pour aller rejoindre nos parents. Puis un jour, il n’est pas venu à l’école. J’ai appris, mais beaucoup plus tard, qu’il était mort dans un accident de voiture. J’avais enfoui ce souvenir au plus profond de moi. Une séance d’hypnose l’a fait ressurgir, avec son lot d’émotions, ces émotions qui n’avaient jamais pu s’exprimer du fait du décalage entre les événements et le moment où j’ai appris la réalité des faits. En hypnose, j’ai pu me reconnecter à ce que j’ai dû ressentir, petite fille : cette absence inexpliquée – car le deuil n’avait pas été abordé à l’école pour « protéger » les enfants que nous étions. Ce silence, ce non-dit, loin de me protéger, ont été la source de bien des souffrances. Une angoisse lancinante : allait-il revenir ? Une culpabilisation dévorante : avais-je fait quelque chose de mal qui l’avait fait partir ? Un sentiment d’abandon fulgurant, une dévastation, un anéantissement. Seule, je n’existais plus.
Ayant pris conscience de la souffrance vécue petite, j’ai engagé certaines actions thérapeutiques pour essayer d’apaiser la petite fille que j’avais été, en vue d’apaiser l’adulte que je suis aujourd’hui. J’ai suivi des séances d’EMDR, une technique destinée à diminuer l’impact émotionnel d’événements traumatiques. Je me suis enregistré mes propres séances d’hypnose, dont une au cours de laquelle je me suis vue allant aider la petite fille que j’étais à descendre ce fichu escalier, car visiblement cela constituait une véritable épreuve de le descendre seule. J’imagine que chacun doit pouvoir ressentir, en lisant ces lignes, la détresse qui a dû être la mienne, à l’époque et pendant la séance, et je sais pouvoir compter sur votre compassion.
Une fois le traumatisme initial traité, j’ai découvert un effet plus indirect et plus pernicieux : ce traumatisme avait impacté toute ma vie affective. C’est comme si mon modèle relationnel était resté figé à 5 ans. Mon idéal, mon modèle d’attachement était resté tout ce temps-là un modèle infantile, fusionnel. La fusion devenait symbole du bonheur ; la séparation revêtait une dimension mortifère, associée à l’anéantissement de moi en tant qu’individu. Depuis mes 5 ans, j’avais vécu chaque séparation comme un arrachement, voire un arrachement d’une partie de moi, de mon corps.
A l’âge adulte, on peut bien concevoir la dimension pathologique et toxique que cela peut engendrer dans les relations. La peur de perdre l’autre peut mener à un besoin de contrôle de l’autre et/ou des événements ; l’anticipation faussement protectrice de toute éventualité mine l’appréciation simple du moment présent ; la fusion peut aboutir à une absorption de l’autre, une possession, une perte des frontières entre individus. Cela a impacté ma maternité et, heureusement, un travail personnel et la lecture éclairante des thématiques de l’ogresse dans La psychanalyse des Contes de Fées m’ont probablement aidée à en limiter les conséquences. Ou c’est au moins ce que je me dis pour me rassurer et préserver mon image de moi comme mère suffisamment bonne. Et cela a bien sûr conditionné ma vie de femme : comment avec ces peurs de la perte et cet idéal fusionnel construire une relation basée sur un amour libre et libérateur ? Sur ce point, les préceptes de l’Eglise catholique sont particulièrement néfastes, en ce sens qu’ils prônent un schéma aliénant : « ils ne feront plus qu’un »…. Où se trouve le développement libre et respectueux de l’individualité de chacun dans un tel précepte ? Comment peut-il y avoir de dynamique d’évolution conjointe dès lors qu’il y a absorption au lieu d’une saine et mature contradiction ?
Très récemment, des événements ont mis à jour ces modes de fonctionnement, et les croyances limitantes sous-jacentes. Les moments les plus douloureux concernaient le besoin d’une validation externe de mon existence. Comment pouvais-je exister seule ? Comment pouvais-je exister sans quelqu’un pour me dire que j’existe et me prouver l’importance de mon existence ? Il m’aura fallu me confronter à des modes relationnels à l’opposé de mes besoins pour comprendre ce qui se jouait et évoluer : quand je m’irritais de certains comportements que je trouvais faire peu de cas de moi, c’est que je remettais en fait entre les mains d’autrui la validation de mon existence. Et évidemment, plus je « criais » pour demander cette validation, plus elle m’était refusée. Tant que je n’avais pas fait l’apprentissage sous-jacent, le même schéma se répétait, inlassablement. Il m’a fallu passer par ces moments d’inconfort et de questionnement interne et externe (merci au(x) contributeur(s)) pour arriver à une meilleure autonomie affective et un paradigme différent de l’amour, une vision plus mature de l’attachement. Non, je n’ai pas besoin d’être dans une relation pour exister et affirmer mon individualité. Je peux être seule et entière, complète. Contrairement à ce que je pensais, ce n’est pas une séparation qui constitue la mort de l’individu : c’est la fusion qui est la mort de l’individu, la négation de l’individu.
Pour ceux que le processus d’évolution intéresse, c’est toujours après une méditation ou une hypnose qu’une phrase se présente clairement à mon esprit, une phrase issue du moi transformé (comme ici, « une séparation, c’est pas la mort ! ») et qui révèle ainsi quelle croyance limitante entravait jusque-là l’harmonie de ma vie 😊.
Aujourd’hui, je fais le deuil de ma relation d’enfance, et au-delà de ça, je fais le deuil de mon ancien mode relationnel. Comme tout deuil, cela a comporté des phases de déni, de résistance, de colère, de chagrin. Le temps du deuil ou le temps de la chrysalide, comme je préfère le voir. Un temps de gestation pour une re-naissance à un stade plus avancé de développement, de maturité. Et aujourd’hui, je suis passée au stade de l’acceptation, l’acceptation libératrice et porteuse d’espoir de futurs attachements plus libres et harmonieux 😊.