WHISTLE UP
D’habitude quand j’écris, je me mets à mon ordinateur et sur les touches du clavier je compose ma modeste symphonie scripturale.
Et aujourd’hui, pour écrire, je dis, je parle, je dicte ! Ce changement est probablement un peu dû à ma nouvelle expérience professionnelle, dans laquelle j’utilise des outils numériques pour produire des Podcasts, et un peu aussi parce que je me suis réconciliée avec ma voix….
Cette voix qui a été souvent critiquée, cette voix qu’on a parfois essayé de faire taire…
Cette voix que j’ai bannie pendant un temps, aujourd’hui je la réhabilite !
Ma nouvelle expérience de reconversion professionnelle m’y aide beaucoup : on me complimente souvent sur ma voix pendant les séances d’hypnose. J’accompagne aussi de nombreuses personnes sur leur prise de parole en public, et toujours à l’affût de nouveaux outils pour aider, j’ai récemment suivi une séance spécifique d’EFT ayant précisément pour but de se réconcilier avec sa voix : je ne serais donc pas la seule à avoir eu une relation un peu douloureuse avec mon organe vocal… En introduction, le dispensateur de cette séance listait les motifs susceptibles de désaccorder la relation à sa voix : une voix critiquée, avoir été heurté dans un élan d’expression, une voix à laquelle on ne s’identifie pas – par exemple j’ai la voix de ma cousine que je déteste – une voix qui ne donne pas la pleine mesure de nos émotions ou des opinions que l’on veut faire passer, une voix qui ne correspond pas au physique, … et aussi des souffrances physiques liées à la voix dont le son qui ne sort pas… Et bien sûr les dysfonctionnements de type dysphasie ou aphasie…. Alors si certaines thérapies alternatives à la classique orthophonie peuvent aider à accorder notre instrument, je prends, je me forme, et je partage !
Aujourd’hui je n’hésite plus à faire des enregistrements de ma voix ; elle est diffusée, et si certains retours ne sont pas exactement ceux que je voudrais, peu m’importe j’ai retrouvé ma voix et trouvé ma voie …
Finalement, qui de l’écrit ou de l’oral précède l’autre dans mes écrits, mes audios et mes vidéos (car oui, je me filme aussi 😊) ? C’est un peu la poule et l’œuf…. Quand je fais des podcasts, certains sont très spontanés, sur base d’une simple trame écrite, et d’autres ont un script écrit à la virgule près…. Et quand j’écris, j’entends les phrases dans ma tête en même temps que je les couche sur le papier virtuel. Alors voilà, peut-être qu’en lisant ces lignes vous pouvez imaginer que je vous les lis, que vous entendez ma voix, que je suis là près de vous, parce que c’est un peu de moi qui se cache derrière ces caractères, ces espaces, et qui vient jusqu’à vous, porté par le pigeon voyageur des temps modernes.
J’envisageais de vous faire part de ma dernière lecture, qui semblait prometteuse : le dernier Jean Teulé, auteur du fameux Montespan, de l’intelligent Magasin des suicides et de l’inénarrable Héloïse Ouille. « Entrez dans la danse » devait raconter l’histoire d’une pandémie ayant amené un peuple entier à danser. J’ai payé cher mon manque de culture, car ce n’est en réalité que l’histoire de la Danse de Saint Guy. D’un point de vue médical, Saint-Guy étant le patron des épileptiques, son nom a été utilisé pour désigner une maladie nerveuse qui se manifeste par des mouvements incontrôlés : une chorée. Plus vulgairement, c’est ce qu’on dit d’un enfant qui ne tient pas en place, à moins que l’on incrimine son derrière et d’éventuels locataires. Et Teulé s’inspire d’une période tragique où les Strasbourgeois, épuisés après une succession inhabituelle d’épidémies et de famines, furent pris collectivement d’une danse effrénée. Tant privée de danse actuellement, je pensais pouvoir trouver dans cet opus une piste à suggérer à Castex pour proposer un remède inédit – et parfaitement à mon goût – à la situation actuelle. J’imaginais une méga flash-mob salvatrice, une rave party rédemptrice ! Que nenni ! J’avais déjà été échaudée par le roman du même auteur décrivant un garçon faisant bouillir sa mère afin de se nourrir (Je François Villon, que je déconseille…), ici on inverse les rôles et ce sont les parents qui font rôtir leurs enfants. Jean Teulé s’est, comme toujours, bien documenté : identification du patient zéro, gestion de la santé publique surprenante – tentant de soigner le mal par le mal, les autorités strasbourgeoises auraient encouragé la volte générale en montant des estrades et en mettant à disposition des musiciens. Au-delà du sinistre, rien d’intéressant dans l’ouvrage de Teulé ! Je me serais attendue à une sorte d’analyse, permettant de trouver quelque soulagement à notre actuel fléau. Point ! Alors, je vais tenter de m’y coller, modestement. Visiblement, cette manifestation de transe-danse collective n’a pas été un cas unique. Généralement, ces phénomènes sont plus susceptibles de survenir chez des individus vulnérables sur le plan psychologique, et qui croient aux châtiments divins. Mieux vaut donc penser que c’est juste un petit pangolin qu’un membre de l’Olympe qui nous a apporté cette calamité, ça nous évitera un marathon macabre sur le dance floor. La description clinique évoque une hystérie, au sens psychiatrique du terme, avec des symptômes de conversion, et de contagion, le groupe devenant une entité avec une synchronisation des comportements…. En psychanalyse, la conversion désigne un phénomène dans lequel un symptôme représente la résolution symbolique d’un conflit psychologique inconscient, réduisant l’anxiété et servant à maintenir le conflit hors de la conscience. Quels conflits cherchons-nous à maintenir hors de notre conscience et qui risquerait de se convertir en symptôme ? Une telle épidémie de danse pourrait-elle se déclarer dans notre situation actuelle? A priori, on ne peut avoir que les conversions que la société nous autorise, et il semble qu’aujourd’hui les conversions sont plutôt des manifestations gastro-entérologiques ou rhumatologiques. Sans parler de réelle contagion de conversions, cela n’empêche pas de questionner certaines formes d’émergences collectives. Par exemple, on peut se demander si l’épidémie de formes d’intolérance au gluten, voire même l’essor des cas d’autisme, ne seraient pas en réalité des manifestations conversives collectives. Et si le conflit qu’on essayait de masquer était celui de notre toute puissance issue des années de croissance technologique nous ayant presque fait oublier notre condition de mortels imparfaits ? Quoi qu’il en soit, je dois renoncer à l’idée d’avoir une solution à proposer à l’OMS, et je me contente de danser chaque soir, seule, devant mon écran 😊
Pour sortir de l’affliction livresque et actuelle, je voudrais vous parler de deux séries que je viens de regarder avec plaisir. Je vais éviter de citer les noms pour ne pas déflorer le sujet, et d’ailleurs déflorer est un des sous-thèmes d’une des deux séries, ou plus exactement une initiation charnelle à vocation d’épanouissement, de façon assez plaisante et esthétique d’ailleurs…. Certains vont regretter que je n’aie pas mis le nom de la série en question 😉
Et le point commun entre ces deux séries qui pourtant n’ont vraiment aucun autre point commun si ce n’est de m’avoir plu, c’est qu’en fait derrière de l’humour d’un côté ou derrière un romantisme historique de l’autre se cachent deux parcours de développement personnel dignes d’intérêt.
De parcours de développement personnel pour éviter l’enfer ou éviter l’enfer que l’on se fait vivre soi-même parfois quand on ne parvient pas à guérir des blessures du passé, et bien sûr l’enfer que l’on fait vivre aussi aux autres en n’en guérissant pas.
La première des deux séries axe le début de développement personnel des personnages sur un travail de groupe : comment s’aider les uns les autres à devenir meilleurs… Il est vrai que dans la série les enjeux sont élevés… et clairs : éviter une damnation éternelle. Dommage qu’ici-bas les enjeux pourtant tout aussi élevés ne soient pas tout aussi clairs. Dans cette même série, telles les différentes vies dont on dispose dans un jeu vidéo, les tentatives des protagonistes peuvent être multiples, pouvant rejouer la scène encore et encore jusqu’à un dénouement différent. Mais comprenons bien qu’il est vain ou fou de rejouer éternellement les mêmes scènes en espérant un dénouement différent, à moins qu’à un moment on ne choisisse de jouer différemment ; et ça, ça s’appelle sortir de sa zone de confort, premier pas vers un apprentissage et vers une version 2.0 de sa vie.
L’autre série est d’une richesse infinie. C’est le premier tome de sagas familiales où chaque famille constitue un modèle d’éducation édifiant. Et une phrase clé oblige à se questionner en tant que parent : « on m’a dit qui je devais devenir, mais pas comment y parvenir ». Et il est probablement important de s’interroger sur chacune des deux propositions de cette phrase.
Les modèles psychologiques peuvent apporter un éclairage sur les challenges qui attendent chacun des jeunes de ces familles pour soit tenter de devenir un individu épanoui, soit de rester le pur objet familial remplissant sa fonction.
Le modèle des blessures émotionnelles, tout d’abord, et cette satanée blessure de rejet. Le mâle principal de l’histoire a été rejeté par son père, et en nourrit une haine qu’il retourne contre lui. Il reporte sur sa descendance sa remise en question de son droit à exister. Eprouvant de la difficulté à se relier à ses émotions, il fuit. D’abord étonné et flatté par une preuve d’affection, il peut ensuite se sentir étouffé, agressé par cet amour non reçu dans l’enfance. Liée à une difficulté de prendre sa place, cette blessure de rejet peut déclencher des difficultés d’élocution…. Personnellement, je conseillerais bien à ce ducal personnage de travailler sa blessure de rejet, car selon Lise Bourbeau, auteure de la théorie sur les blessures émotionnelles, une résolution conduirait à un meilleur ancrage … et à un allongement du pénis. Avis aux candidats, je suis en mesure de vous aider 😊 Dans la série, le développement personnel de ce personnage est quasi immédiat. Comment est-ce possible ? La clé est que dans son enfance maltraitante ce personnage a eu la chance d’avoir une bonne fée, un personnage bienveillant qui l’a nourri émotionnellement, l’a conseillé et lui a permis d’apprendre à reconnaître cette bienveillance et à faire confiance. De ce fait, une fois adulte, reconnaissant les signes de cette bienveillance dans une nouvelle relation, il sera à-même de faire confiance, et laissera s’exprimer sa vulnérabilité source d’évolution au lieu de sa bonne vieille blessure et les mécanismes de défense associés…..
Un autre modèle permet d’analyser le rôle des mères – et de leurs filles – dans cette série : en vue de placer leur progéniture, ces mégères enjuponnées sont du type 3 des Ennéagrammes : des compétitrices effrénées. Orientées vers la réussite, ambitieuses, avec une seule idée en tête, elles succombent à la passion de ce profil : le mensonge. Feignant des malaises ou dissimulant des grossesses pour mieux piéger, gonflant artificiellement leurs atours, possessions et qualités, tout cela se fait au détriment de la vérité et de la sincérité. Véritables caméléons imprégnées de fausseté, superficielles et orientées vers l’utilisation de tout pour atteindre leurs objectifs, elles finissent – très logiquement – par s’auto-saboter. Il leur conviendrait de trouver leur salut dans la vérité et la loyauté, ce que l’une des protagonistes finit par faire, un peu malgré elle cependant.
Cette série comporte peut-être la plus belle déclaration d’amour que j’aie jamais entendue. Généralement, quand on dit « je t’aime », on déverse sur l’autre notre flot d’émotions alors que cette phrase devrait être un véritable mouvement d’accueil de l’autre. Je dois avouer que j’ai une petite part d’ombre en moi qui me rend presque jalouse de l’héroïne de cette série car, encore très jeune, sans mentor ou formation en psychologie, elle fait un parcours émotionnellement très intelligent pour elle-même, et éclaire aussi les autres.
Alors cette déclaration est la suivante : « je connais tes blessures, tes mécanismes de défense ; je les comprends, je les accepte ; j’accepte tes parts d’ombre. Et si toi tu apprends à les accepter, alors tu pourras sortir de ce chemin négatif dans lequel tu t’enfermes. Et toi seul peux décider de regarder tes parts d’ombre, de les accueillir pour en guérir. Tu es libre de le faire ou non. »
Dire à quelqu’un qu’il est libre de faire ou non son parcours d’évolution, c’est probablement la plus belle déclaration d’amour. A vous aussi, dans une déclaration d’amour, quittant mon ancienne posture de sauveur, je vous dis aujourd’hui « it’s up to you ; it can only be up to you” et ce « cela vous incombe » qui pouvait passer pour cruel ou sévère devient d’une douce générosité à mes yeux.
Résolument féministe et progressiste, la série zoome sur des jeunes femmes qui tentent d’échapper à leur destin, celui de faire un beau mariage, ou au moins d’en faire un. Et l’écriture est l’un des outils majeurs que deux personnages vont utiliser pour tenter d’infléchir leur destinée. Et si la série prend le nom de chroniques, elle met en scène des pamphlets au vitriol, des billets qui font et défont les réputations. Et la voix de ces billets résonne à nos oreilles au cours de la saison, comme tout écrit faisant son chemin de l’œil au cerveau de tout lecteur. Si en whistle blower le pamphlétiste Whistledown de la série procède par dénonciation, votre serviteur préférerait le nom de Whistleup dans une logique d’éveil, de partage et de contribution 😊.